Passion et création de start-up

Passion et création de start-up

May 28, 2020

Créer un produit pour répondre à son propre besoin, mener une carrière de musicien et être à la tête d’une start-up digitale : c’est le parcours inspirant et original de Raphael Evangelista, CEO et CPO de daleGig, plate-forme de création et de gestion de tournées musicales basée à São Paulo (Brésil).
Musicien de carrière, voilà 16 ans que Raphael joue du violoncelle avec son groupe Duo Finlandia ou en solo, et qu’il écume les salles de concerts latino-américaines lors de ses tournées. Mais voilà qu’il se heurte à des pain points récurrents, qui font germer l’idée d’une plate-forme de gestion de tournées.

J’ai voulu savoir comment Raphael a co-fondé la start-up daleGig et comment il a su tirer la force de son produit dans ses expériences de musicien et du contact permanents avec ses utilisateurs. Il nous apprendra comment mêler la passion avec le business pour créer un produit qui apporte de la valeur, fluidifie les échanges et les opportunités dans le secteur musical au Brésil.

Au détour de 2 articles, nous parlerons entrepreneuriat, user-centric et intuition : je vous invite  d’abord à faire connaissance avec Raphael qui nous raconte comment les métiers de musicien et de PO peuvent être similaires !

Jessica Lemaire : Comment définirais-tu ton poste actuel ?

Raphael Evangelista : Je suis CEO et CPO de notre start-up de 10 personnes. En tant que CEO, j’oriente la stratégie de l’entreprise et je coordonne la roadmap en suivant un cadre d’objectifs fixés à moyen et long terme avec l’équipe. Mon rôle est aussi de rester connecté au marché musical, une tâche assez naturelle pour moi. Je reste en contact permanent avec les producteurs, les musiciens et autres professionnels pour observer l’évolution et les nouveautés du marché. En tant que CPO d’une start-up, je travaille également en direct avec nos deux développeurs.

JL : Musicien de formation, tu as dû apprendre le métier du produit sur la tas et créer une start-up. Construire des user stories, interagir avec des développeurs, parler à des investisseurs, manager une équipe… Comment y es-tu parvenu ?

RE : Ma vie, ça a toujours été la musique : ça fait partie de mon ADN et ça influence la manière dont j’organise et je créé les choses. Dans la musique, la discipline et l’organisation sont fondamentales. J’ai étudié le violoncelle pendant 6 ans, 8 heures par jour, tous les jours. La discipline et la détermination demande une pratique constante. Même le plus déjanté des rockeurs a un sens de l’organisation pour transmettre son art, que ce soit sur scène, quand il met en place une stratégie pour créer une relation avec le public ou au studio pour créer ses morceaux.
Pour créer un outil qui professionnalise le marché musical, j’ai utilisé mes connaissances administratives acquises en étudiant à l’université d’administration de Fortaleza (Brésil) mais aussi en prenant des cours, en lisant des livres, et principalement en pilotant des projets musicaux. Je suis un grand fan de la culture organisationnelle et cela m’a beaucoup aidé dans le challenge que représente la construction d’une entreprise.

“Les deux grandes valeurs que je valorise dans l’entrepreneuriat sont l’empathie et la motivation : c’est un moteur qui alimente la passion et permet aux personnes de s’exprimer et d’innover.”
De manière très artistique et intuitive, j’ai utilisé ces apprentissages pour faire face aux nécessités et aux défis que la start-up présente chaque jour. Mes choix entrepreneuriaux tendent toujours vers une certaine intuition, et ça, c’est quelque chose qui est vraiment propre à la musique. Cette manière de penser et d’agir a guidé mes choix et mes actions dans la construction de la start-up.

“L’habitude du risque, que connaissent les artistes, est la même dans l’environnement start-up.”
Construire un produit ou monter son entreprise s’apparente à jouer dans un orchestre. Recueillir les feedbacks utilisateurs ou valider des scénarios, c’est comme analyser la manière dont les fans interagissent avec ta musique. Dialoguer avec les développeurs est un processus de composition, comme si l’on créait une partition musicale ensemble : ils connaissent les codes/l’harmonie et moi l’objectif/la valeur que nous devons mettre en avant. Je vois l’équipe comme des artistes. Je me rappelle que c’est ce que je leurs ai dit pendant notre première réunion de présentation, en les mettant tous dans la position de créateur d’une oeuvre qui doit toucher les utilisateurs.

“Mon équipe, je la vois comme des familles d’instruments dans un orchestre, où chacun connaît l’objectif de l’oeuvre, mais avec une totale liberté dans le choix du timbre, des interprétations et des attaques musicales. Cela donne une couleur beaucoup plus riche à l’oeuvre.”
Cette manière de penser va au-delà de l’entreprise. Lorsque nous entrons en contact avec des partenaires, investisseurs ou clients, nous les considérons comme des artistes invités à faire un collaboration ponctuelle ou la création d’une oeuvre parallèle, qui s’ajoute à la carrière artistique.

Je pense que mon parcours atypique fait de daleGig un produit atypique, qui ne suit pas exactement les trajectoires déjà connues et consolidées sur le marché. Nous utilisons notre vécu et notre expérience au moment de créer ces expérimentations et elles se forment naturellement, dans le cadre des objectifs de l’entreprise. C’est de là que vient la structure de l’entreprise en LABs, comme des laboratoires d’expérimentation. C’est une expérience qui se révèle enrichissante ! Bien sûr que cela crée des challenges et des inquiétudes. L’entreprise est un organisme vivant et nous respectons cette évolution organique. Le résultat, c’est que notre équipe est proactive et passionnée par sa mission, avec des LABs autonomes qui coopèrent sur certaines tâches. Nous améliorons les mécanismes de l’entreprise à partir d’idées qui naissent quotidiennement. Par exemple, dans le contexte Covid-19, où cette priorité de connecter les artistes avec des salles de concerts a été fortement compromise, nous nous sommes re-dirigés vers un processus qu’on appelle « ranger la maison » (« arrumar a casa » en portugais), où chaque LABs réalise une rétrospective et une autocritique de son fonctionnement dans un objectif d’amélioration continue.  Ce processus a permis d’activer deux produits qui n’étaient pas prioritaires dans notre roadmap. L’équipe a cherché naturellement une nouvelle motivation, une nouvelle passion pour continuer de satisfaire nos utilisateurs.

Je vois notre équipe comme le point le plus précieux de notre start-up. La daleGig participe à des programmes d’accélération et d’investissements et ces dernières semaines, nous avons reçu la note de 5/5 pour la force de notre équipe. Elle est composée de profils très variés, mais avec des bases artistiques et techniques très fortes. Mais ce sont principalement des personnes extrêmement humaines qui vont utiliser leur intuition pour créer des produits innovants. Je dois dire que je suis extrêmement fier de notre équipe et de nos collaborateurs. Je sais que le potentiel est gigantesque pour  la construction d’une oeuvre chaque fois plus riche et durable.

JL : Si tu devais donner un conseil à des personnes comme toi qui veulent se lancer et qui doutent d’en avoir les compétences, ce serait lequel ?

RE : Il faut croire en sa propre intuition et en son expérience. Cela a toujours été un facteur de succès dans tous mes projets, tant musicaux que entrepreneuriaux. Nous travaillons avec des humains, et je sens que souvent, nous l’oublions. Les particularités humaines sont infinies et l’intuition est à utiliser sans modération pour comprendre les personnes qui nous entourent.
Acquérir de nouvelles compétences basées sur ce que tu veux en tant qu’individu, à partir de ce que tu veux améliorer dans le monde. Comprendre cela te fait voir quelles voies et quelles aptitudes tu vas avoir besoin d’apprendre pour réaliser cette transformation de façon concrète. L’intuition simplifie la perception des choses.

“Je suis un grand fan de la simplicité. Dans la majorité des cas, le chemin le plus simple est celui qui donne le plus de résultats.”
L’intuition te place également au coeur d’une communauté. A partir du moment où tu comprends l’autre (ton coéquipier ou tes clients), tu perçois leurs peurs, leurs désirs, leurs besoins, leurs ambitions. Cela permet de se connecter et d’ouvrir la porte à des possibilités incroyables ensemble. Souvent, nous nous perdons dans les concepts et les théories en les considérant comme des vérités absolues. Je me suis déjà beaucoup trompé en voulant appliquer dans mes projets des concepts pourtant validés par le marché. J’ai perdu beaucoup de temps, le mien et celui de mon équipe. Beaucoup de concepts ne s’appliquent pas à ton projet et souvent, ils servent simplement à vendre des livres et restent très théoriques.

Il faut croire en soi et utiliser son intuition pour mieux comprendre quel est le meilleur chemin à prendre, quelle est la meilleure manière de se connecter avec les personnes qui font partie de ton champs d’action. Je sais que ça, c’est le principal point de départ pour la construction d’un professionnel cohérent et innovant. Le monde a besoin de cela.

Ce que je retiens de cet échange avec Raphael est qu’il faut croire en son intuition et savoir s’entourer d’une bonne équipe. L’entrepreneur ne peut pas être seul pour aller au bout de ses projets : il doit s’appuyer sur des personnes motivées et passionnées, des personnes qui seront force de proposition pour faire évoluer la start-up et particulièrement dans les moments difficiles tels que le contexte de Covid-19. Aussi, l’entrepreneur ne doit pas craindre d’être un “rookie” dans son domaine et faire confiance à ses compétences, se servir de son ADN, de sa passion, pour service son projet. Le parcours de Raphael montre bien que l’on peut créer son entreprise et construire un produit digital même en venant d’un milieu purement artistique. Il faut savoir reconnaître que la différence fait la force et que sa connaissance du milieu artistique lui  permis de répondre au plus près des attentes des utilisateurs.

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