Guide de survie : Comment mener une bonne interview utilisateur ?

Guide de survie : Comment mener une bonne interview utilisateur ?

January 10, 2023

Contexte de ce guide de survie de l'interview utilisateur

Tweet de Teresa Torres

Tout le monde s’accorde à dire qu’il n’a jamais été aussi important pour un product manager de parler à ses utilisateurs. Teresa Torres, auteure de la nouvelle Bible de la discovery (Continuous Discovery Habits) le rappelle dans sa définition de ce qu’est la Continuous Discovery.
La nécessité d’avoir des contacts réguliers avec les utilisateurs arrive dès la première phrase.

Or, il faut bien admettre que la dernière fois que vous avez parlé avec un utilisateur peut facilement remonter à six mois, quand l’une de vos réunions s’est annulée à la dernière minute, que vous étiez miraculeusement à jour sur la plupart de vos tâches et que vous avez pu vous incruster à une interview organisée par votre UX designer (si vous avez la chance d’en avoir un).

UX designer auquel vous déléguez généralement toutes les activités de user research.

Cette année, si vous avez décidé de vous impliquer davantage avec les utilisateurs et d’aller plus loin que la lecture d’une étude réalisée en interne par le business ou les UX, cet article est fait pour vous !

Vous avez peut-être peu d’expérience dans le domaine, ou vous n’avez été que très peu formé sur ce sujet et de nombreux écueils menacent votre route ?

Pas de panique, nous vous avons concocté un petit :

Guide de survie de l’interview utilisateur

L’objectif de ce guide est de vous donner des astuces et conseils pour vous aider très concrètement à réaliser vos premières interviews, en ayant conscience des principales erreurs à éviter. La mise en place d’un processus de discovery plus global et cadré ne sera pas abordée dans ce guide.

Certains de ces conseils pourront vous paraître relever du bon sens, mais le naturel et les erreurs qui l’accompagnent reviennent très facilement.

Dans cet article, nous parlerons successivement :

- De l’importance de bien préparer une interview utilisateur

- Des biais cognitifs qui peuvent saboter votre travail et vous amener à des conclusions erronées

- De l’art de bien poser les questions et de poser les bonnes questions en préparant une grille d’interview

- De la conduite de l’interview avec la posture adaptée

BONUS : certaines informations de ce guide pourront vous être utiles également pour entretenir de bonnes relations avec le business / les parties prenantes.

De l’importance de bien préparer une interview utilisateur

Sans trop rentrer dans les détails, l’interview utilisateur est une des techniques essentielles de l’user research et peut apporter son lot de bénéfices.
Elle est applicable tout au long du cycle de vie de votre produit.

Voici quelques moments clés où vous pouvez les positionner :

- Pendant une discovery : au cours de celle-ci, vous disposerez d’un certain nombre d’idées et d’hypothèses qu’il vous faudra éprouver avant de choisir la bonne solution. Les interviews constituent un bon moyen de recueillir des données et d’orienter vos recherches dans le bon sens.

- Pour évaluer un parcours très spécifique : vous avez livré une nouvelle fonctionnalité ou vous avez fait face à un incident critique sur une partie du parcours utilisateur, il peut donc être intéressant d’avoir des feedbacks sur ces éléments dans ce contexte particulier. Très utile pour recueillir des informations sur des moments de douleur ou satisfaction. Attention en revanche à garder en tête que cela occulte le reste de l’expérience utilisateur (ex : incident sur votre parcours de paiement en ligne : concentrez vos questions sur ce point, ce n’est pas le moment de prendre des insights sur le look & feel de la page produit).

- Lorsque vous êtes perdus : vous avez des difficultés à prioriser vos prochaines actions ? Prendre la température côté utilisateur peut vous aider à ajuster votre vision, vous donner des arguments pour mettre à jour votre roadmap ou privilégier l’amélioration d’une feature existante.

Préparer une interview utilisateur, pour quoi faire ? C’est juste un échange non ?

Dans cet exercice d’interview utilisateur, vous allez établir une connexion avec un utilisateur, discuter, développer de l’empathie pour lui, vous imprégner de ses problèmes. Nouer un bon relationnel avec l’utilisateur pendant l’interview est donc primordial.
Vous pourriez supposer que se préparer n’a que peu d’intérêt et que vous pourriez improviser en fonction du déroulement de l’entretien et du feeling avec l’utilisateur.

C’est sous-estimer la multiplicité des situations qui se présenteront à vous, qui vous obligeront à élaborer rapidement une réponse ou changer de posture et qui mettront en péril la viabilité et la fiabilité de vos recherches.

C’est également sous-estimer votre capacité à faire d’infimes erreurs qui invalideront vos démarches.

En premier lieu, il est donc vital de limiter au maximum toutes sortes d'improvisations dans “le feu de l'action” lors de vos interviews, car celles-ci amèneront le plus grand risque de faire des erreurs et de mettre en péril votre objectif final.

D’où l’importance de faire une préparation rigoureuse qui peut paraître fastidieuse mais qui vous sauvera la vie.

En second lieu, un entretien avec un discours et des questions bien préparées permettra de vérifier que :

- les questions sont adaptées aux objectifs de la recherche et correctement formulées

- les données qui seront recueillies seront fiables, utiles, cohérentes entre elles et complètes.

L’utilisation d’une grille d’interview, un document spécifiquement dédié à la préparation de vos interviews, vous permettra de répondre à ces deux points.

Ok… Et en pratique ?

Quelques exemples de situations résultant d’une mauvaise préparation / improvisation :
- L’utilisateur vous prend soudainement à partie / vous demande votre avis pendant l’interview car il sait que vous travaillez sur le produit :“Je ne comprends pas pourquoi je ne peux pas utiliser mes points fidélité sur mon panier, c’est vraiment mal fait, pourquoi avez-vous fait comme ça ?”

Dans le feu de l’action, connaissant bien votre produit et vos features, vous aurez naturellement tendance à vouloir vous justifier et vous expliquer. Ce n’est pas le but de l’interview ! L’objectif est de creuser pour comprendre le problème de l’utilisateur.

- L’utilisateur comprend mal la question et répond à côté de la plaque : vous élaborez dans le feu de l’action une reformulation de la question dans laquelle vous introduisez des biais ou des éléments de réponse. La réponse de l’utilisateur sera influencée et donc pas ou peu exploitable.

- Vos questions ne sont pas rigoureusement préparées, votre formulation change donc d’une interview à l’autre :
Un mot ou une tournure de phrase pose une question différente, vous ne disposez donc pas d’un nombre suffisant de réponses à la même question et vous aurez des difficultés à exploiter ces informations. Ou vous tomberez dans le travers du “Je connais un gars qui m’a dit ça”.

- Vous n’avez pas vérifié la neutralité de vos questions ou les potentiels biais induits : vous allez orienter inconsciemment les résultats de vos recherches et partir sur de mauvaises conclusions.

Après les risques (non exhaustifs), passons aux astuces à mettre en place pour éviter de vous retrouver dans une de ces situations !

Astuces pour préparer votre interview utilisateur

Principes généraux

Tweet de Teresa Torres

Comme vous l’avez sûrement compris dans le premier article, une interview se doit d’être préparée en amont pour limiter la part d’improvisation et les biais qui peuvent en découler.
Voici les principes généraux à connaître pour réussir une interview utilisateur :



1. Avoir un guide / script : Pour l’interview, vous devez préparer un guide ou script que vous pourrez suivre pour interagir avec l’utilisateur. Ce script se compose généralement :  

- D’une introduction qui permet de se présenter et d’expliquer à l’utilisateur ce qu’on attend de lui et la démarche globale dans laquelle l’interview s’inscrit (expliquer le but de l’entretien, à quoi vont servir les réponses, se présenter, dédramatiser l’interview)

- D’une aparté sur les modalités de l’entretien : rappel de la durée, recueil du consentement pour l’enregistrement de la session, grille de l’interview

- Des questions

- D’une conclusion pour
remercier l’utilisateur et lui demander s’il est possible de le recontacter ultérieurement si besoin



2. Le principe de neutralité : Pour ne pas influencer l’utilisateur, il faudra adopter un ton neutre.

Par exemple, il faut veiller à ne pas parler de MON site ou de NOTRE application mais bien DU produit ou DE l’application.

Tous les mots induisant une appréciation (“aimer”, “détester”, “décevoir”, etc.) sont à bannir du guide de l’interview.



3. La gestion du temps : Attention à prévoir le bon nombre de questions pour le temps imparti.

- Préparer trop de questions va revenir à bousculer l’utilisateur pour avoir une chance d’obtenir une réponse à toutes les questions.

- Au contraire, préparer trop peu de questions va conduire à écourter un moment privilégié d’échange.

- Il vaut mieux préparer des questions en trop, au cas où, en ayant conscience que le temps manquera probablement pour les aborder.

- Idéalement, éviter de dépasser 1h30 d’interview

L'ordre des questions : voici un exemple de trame classique :

- Questions générales et d'introduction (Nom, prénom, icebreaker)

- Questions pour recueillir le comportement des utilisateurs

- Questions spécifiques à un sujet

- Sensibilité technique / intérêt pour le domaine

- Questions spécifiques au sujet ou au produit, à l’utilisation du produit, aux principaux objectifs et motivations de l'utilisateur

- Recueil de l'opinion : sur le produit, sur un parcours spécifique identifiable, sur les pain points…

- Les questions sur l'opportunité du produit

- Les questions sur la réaction au produit

- Les questions pour clore l'interview.

Les questions de l'interview utilisateur

Il faut poser les bonnes questions et surtout bien poser les questions. Comment s’y prendre ?
- Les questions doivent pouvoir répondre à vos objectifs de recherche. Les données que vous allez retirer doivent nourrir l’analyse qui vous permettra de trouver des idées ou une solution.

- Pour mettre l’utilisateur à l’aise, vous pouvez lui poser quelques questions très faciles en guise d’ice breaker pour le mettre en confiance dès le début, pour le reste de l’interview (exemple : quels sont vos hobbies ? Quelles sont les applications que vous utilisez le plus dans votre vie quotidienne ? etc.). Bonus : ce sont des données complémentaires intéressantes pour vos personae.

- Les questions fermées (auxquelles on peut répondre par oui ou non) sont à bannir. Privilégiez les questions qui commencent par “Pourquoi”, “Comment” ou “Que pensez-vous de… ?”

- Il faut éviter si possible les questions avec options, car les utilisateurs répondront dans les limites de ces options. Leurs expériences ne rentrent pas forcément dans le cadre des options proposées.

- Préparez des reformulations si l’utilisateur ne comprend pas la question, pour vous éviter des improvisations dans le feu de l’action qui pourraient biaiser votre nouvelle formulation.

- Posez une question à la fois. Poser une question décomposée en plusieurs petites questions ou imbriquée dans d’autres est le meilleur moyen de n’obtenir que des réponses partielles et de rendre votre compilation de données compliquées.

- Quand vous demandez une estimation, un nombre ou une fréquence, soyez précis et demandez des chiffres. “Parfois”, “souvent” et “beaucoup” n’ont pas exactement la même signification pour tout le monde. Il vaut mieux demander si c’est “3 fois par semaine” ou “50 fois par an”.

- Attention à ne pas utiliser de jargon dans vos questions (vos utilisateurs ne sont pas supposés savoir ce qu’est un parcours d’onboarding ou un funnel d’achat).

- Anticipez d’éventuelles questions de follow-up si vous souhaitez creuser certaines réponses (pour éviter d'improviser). Vous pouvez simplement appliquer les 5 whys pour utiliser un framework simple. Et si vous êtes du genre déterminé, établissez un mind-mapping en suivant les points clés du parcours. Si l´utilisateur n´a pas eu conscience d´un point en particulier, libre à vous d´accentuer vos questions sur les autres points ou au contraire de creuser les raisons de cette omission.

- Évitez les questions trop directives qui risquent d’orienter les réponses (cf chapitre sur les biais). Exemple : ne pas demander “Avez-vous trouvé l’interface de paiement efficace et intuitive ?” mais plutôt “Que pensez-vous de l’interface de paiement ?”

- Limitez voire évitez les questions hypothétiques du type “Que feriez-vous si… ?” ou “Comment réagiriez-vous si… ?”. La réponse sera purement spéculative, rien n’indique que l’utilisateur réagira vraiment comme il le dit. La réponse sera ce que l’utilisateur pense qu’il fera. C’est à vous d’imaginer le futur en utilisant les données du passé et du présent.

Conclusion

En résumé, une interview utilisateur ne s’improvise pas et il est important de la préparer, pour poser efficacement les bonnes questions et recueillir du matériel de qualité pour votre analyse.
Par ailleurs, il existe des biais cognitifs qui menacent la qualité de votre travail, même avec une bonne préparation. C’est ce dont nous allons parler dans la seconde partie de ce guide.

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