Comment favoriser la créativité au sein d’une organisation ?

Comment favoriser la créativité au sein d’une organisation ?

August 3, 2023

Nous estimons le temps de lecture de cet article à 8 minutes (pour celles et ceux qui aiment prendre leur temps).

Le mercredi 5 juillet 2023 s’est tenue la troisième édition du “Choc des Titans”, un événement organisé chaque année par Wivoo. Au cours de cette journée intense composée de 8 heures de Live, 12 thématiques différentes ont été abordées en compagnie de 35 invités liés de près ou de loin à l’univers du Product Management.

Dans cet article, nous allons aborder la problématique ayant été évoquée lors de la troisième table ronde au programme : “Comment favoriser la créativité au sein d’une organisation ?”. Lors de cette session, nous avons eu la chance d’être entourés par les 3 personnalités suivantes :
- Benjamin Lafaurie, Head of Design chez Matera ;
- Stéphanie Duchemin, Design Manager chez Decathlon ;
- Michael Baeyens, Co-Founder de La conf qui tue le game.

Comment définir la créativité ?

Il s’agit de toute action ou modalité qui s’oppose à la norme et aux conventions, sans avoir peur. Les créatifs savent disrupter l’ordre établi, c’est pourquoi ils dirigent la plupart des entreprises qui changent le monde. L’exemple le plus frappant est celui de Steve Jobs, cofondateur d’Apple, qui a étudié la calligraphie de manière intense à l’âge de 20 ans.

La créativité permet de regarder le monde sous un prisme différent. En revanche, elle ne consiste pas à inventer en partant de rien, mais plutôt à transposer un concept d’un environnement à un autre ou à prendre un élément concret du réel pour l’appliquer à l’univers du numérique (et inversement). C’est le cas des jeux vidéos ou des séries telles que “Black Mirror”, qui oppose des sujets profondément sombres et humains à des problématiques sociétales.

Comment se nourrit un profil créatif au quotidien ?

Un créatif ne se cantonne pas à ce qu’il peut trouver dans les livres :
- Il se nourrit d’une veille naturelle permanente et variée, afin de pouvoir inventer des mondes en continu. Pour reprendre les termes de l’animatrice de cette table ronde, “il faut un monde qui soit viable et enviable”.
- Il stimule sa créativité chaque matin au saut du lit, en étant par exemple sensible à l’odeur du café ;
- Il observe et ressent tout, tels que les détails lorsqu’il marche dans la rue ;
- Il s’inspire de tout ce qui le touche, au sens physique (les gouttes de pluie ruisselant sur son visage) et émotionnel (une exposition) ;
- Il s’émerveille de tout et pas seulement des tendances et des buzz, avec un regard curieux et néophyte sur le monde ;
- Il prend son temps et s’ennuie, ce qui est important car le cerveau génère de nouvelles idées pour combler le vide.

Pourquoi la créativité est-elle bridée au sein des organisations ?

De manière générale, la société nous encourage à ne plus devenir créatif au moment du passage à l’âge adulte. Par exemple, on doit s’arrêter de jouer à la poupée et aux LEGO alors que ce sont des activités qui font appel à l’imagination et favorisent donc la créativité.

Dans le cadre de l’entreprise, le créatif est souvent réduit à un graphiste. Pourtant, il s’agit d’une posture et non d’un métier, sachant qu’il n’est pas évident pour les jeunes générations de faire appel à leur créativité au sein des entreprises et de leurs systèmes très normés.

Par exemple, la plupart des outils utilisés en entreprise sont “clefs en main”. Ayant déjà été pensés en amont par des équipes produit (sur la base de retours utilisateurs), ils sont prêts à être consommés en l’état et sans réfléchir. Cela est très bien illustré par la value proposition de la dernière version de Jira : “Jira Software is easier than ever”. En revanche, un produit obsolète (telle qu’une ancienne version de JIRA), nécessite une part de créativité pour être adapté aux nouveaux besoins des équipes en entreprise.

La part de créativité d’un UX/UI designer qui intègre une entreprise ayant à la fois un outil de design collaboratif “all-in-one” (Figma) ainsi qu’un design system déjà en place est encore plus limitée ! Cet ensemble de normes graphiques et ergonomiques n’est pourtant pas un cas isolé puisqu’il y a toujours eu un nombre important de règles à respecter en UX. Par exemple, il est possible de citer les lois de la perception (ou de ”Gestalt”), regroupant les lois de simplicité, de similarité, de continuité, de clôture et de proximité.

Pour reprendre les termes de l’un de nos invités, les designers sont “frameworked” et cela ne s’applique pas uniquement aux outils utilisés. Les profils créatifs sont encouragés à :
- Consulter les mêmes sources d’inspiration (exemple : Behance) ;
- Utiliser les mêmes méthodologies (exemple : le Design Thinking) ;
- Industrialiser et rationaliser leur travail via la data (dans le cadre d’une stratégie “Data Driven Product Design” par exemple) ;
- Suivre les priorités et process en entreprise, surtout ancrés dans les grands groupes.

En soi, la curiosité et la connaissance des méthodologies sont une bonne chose. En revanche, il n’est pas nécessaire de les appliquer à la lettre. Par exemple, les guidelines sont primordiales dans un scénario. Pourtant, des libertés sont souvent prises par le réalisateur. Dans le film “Thor : Ragnarok”, Taika Waititi a laissé énormément de place à l’improvisation des acteurs lors du tournage.

Il est préférable de s’inspirer des règles et de se les approprier. Lorsque je maîtrise SCRUM et que l’entreprise que j'intègre est modelée par le cycle en V, comment puis-je adapter ce framework à cette organisation sans la brutaliser ni la dénaturer ? Il peut être contre-productif et bridant pour la créativité de vouloir être Agile “by the book”.

Comment accompagner les collaborateurs pour qu’ils deviennent plus créatifs ?

Le cadre, à savoir la matrice permettant de définir les contours d’une structure, est essentiel en entreprise. En revanche, il faut savoir le repousser et aller au-delà pour le rendre encore plus pertinent. Sans cela, la taille du terrain de jeu pour les créatifs restera toujours limitée. Prouver aux entreprises qu’il y a de la valeur à capter en dehors du cadre est une mission importante pour les designers, car c’est souvent la peur de sortir de ce cadre qui drive les organisations. Pourtant, explorer en permanence en dehors de ce cadre est primordial pour les entreprises qui souhaitent rester compétitives sur le marché pour, in fine, ne pas “mourir” et disparaître. C’est pourquoi, afin de rester innovants, des mastodontes de la Tech comme Netflix, Google ou Spotify dépensent des sommes colossales en Recherche & Développement (R&D). Pour paraphraser l’un de nos invités : “La créativité naît de la curiosité, la curiosité créé l’innovation et l’innovation créé la différence. C’est pourquoi il faut savoir encourager l’élan créatif.”

En revanche, le cadre est primordial et tout le paradoxe est là : sans cadre, il n’y a pas de créativité car cette dernière naît de la contrainte. Les Product Managers sont souvent confrontés à cette contradiction avec l’usage de la roadmap qui, par nature, est un cadre qui n’est jamais respecté.

L’intérêt du cadre et des règles qui le constituent ne s’arrête pas là, puisqu’il permet aussi :
- de mieux transmettre la connaissance aux juniors et aux nouveaux arrivants via de la documentation, normée par nature ;
- la mise en place d’une lecture commune avec l’exemple du Curriculum Vitae (CV), dont le format est contraignant mais nécessaire pour aligner un recruteur et un postulant ;
- communiquer avec la hiérarchie et les parties prenantes via, par exemple, l’usage de la data et des chiffres qui permettent d’argumenter et de dérisquer les décisions. Il ne faut pas négliger les données, servant de constat et de point de départ, qui sont une réelle source d’opportunités (pour le lancement d’un plan marketing par exemple).

L’enjeu est donc de sortir du cadre sans le dénaturer. Pour reprendre l’image utilisée par l’une de nos invités : comment rester une salade sans ressembler à la salade des autres ? Comment une marque ou un produit peut-il se différencier de ses concurrents sans trahir son activité ? Comment l’identité de Waze peut-elle autant être axée sur de la gamification sans forcément cataloguer ce GPS comme un jeu mobile ?

De manière plus pratique, il est possible d’instaurer des rituels, exercices et bonnes pratiques en entreprise, tels que :
- la déconstruction (ou “reverse engineering”) d’un produit fini (un site web ou une application mobile) ou d’une portion de ce dernier (un parcours utilisateur) ;
- la mise en place d’un canal (sur Slack par exemple) dédié au partage de sources, ressources et connaissances.

Le métier de designer consiste également à instaurer de la cohérence au sein des entreprises en créant des synergies et ponts entre les équipes en rapprochant, par exemple, la marque et le produit. Cette “Design consistency” est primordiale dans les produits que l’on construit au quotidien.

Enfin, il est important de mentionner le rôle important des Product Leaders dans la diffusion de la créativité au sein des organisations. Ces derniers peuvent :
- Faire preuve d’empathie pour ressentir le mood au sein de leurs équipes, créer de l’émulsion entre elles et les faire sortir de leurs cadres ;
- Identifier les appétences et la sensibilité de chacun pour faire émerger les forces et les idées ;
- Insuffler l’énergie et pousser les profils créatifs à être force de proposition et à s’amuser, à l’image des “gourous” (pour reprendre le terme de l’un de nos invités) ;
- Convaincre les organisations d’aller plus loin en sortant du cadre et en donnant encore plus de mandat aux créatifs ;
- Rendre le design de plus en plus impactant auprès du business afin d’élargir la place qu’il occupe au sein des organisations.

Les organisations doivent être ouvertes à la créativité

Avant de clôturer cet article, il est important de mentionner que la graine de la créativité germera toujours plus facilement et rapidement au sein des entreprises dont le sol est fertile. Aujourd’hui, nous avons la chance d’avoir un contexte favorable. En effet, de plus en plus d’entreprises comprennent la valeur du design et donnent le mandat aux créatifs pour repousser les limites de leurs organisations. Néanmoins, il faut savoir se montrer proactif en osant prendre ce mandat sans attendre !

Si cet article vous a plu, n’hésitez pas à consulter nos autres contenus dédiés aux tables rondes du Choc des Titans III ou aux sujets liés aux organisations en entreprise. Retrouvez le replay de cette table ronde ainsi que les 11 autres sur la chaîne YouTube Wivoo !

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